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l'atelier des filles
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5 octobre 2007

atelier écriture 3 - Marianne

Les frères Ludet étaient jeunes, beaux et forts. La tête pleine de rêves, d’aventures et de jolies femmes.

Ils menaient leurs troupeaux dans les alpages chaque été, l’un vers l’est, l’autre vers l’ouest du village de Cruseille où ils avaient grandi. Et puis, au mois de septembre, quand les orages devenaient trop menaçants, chacun prenait la direction du sud, jusqu’à ce qu’ils se croisent, dans la vallée de Marsac. Traversée par un torrent, parsemées de bosquets d’arbres où les champignons ne manquaient jamais, on y croisait beaucoup d’animaux venant s’y abreuver ou s’y reposer.

Cet été de 1863 avait été très sec, les orages furent plus violents que jamais, et la pluie ne cessa ne tomber pendant 6 jours et 6 nuits. Les 2 frères, prenant soin de leurs bêtes, restèrent à l’abri de rochers ou de bois, attendant l’accalmie.

Quand enfin le soleil reparu,  Jean et pierre se mirent en route. Chacun était fébrile et soulagé. Jean avait pris froid, car sa cape, déchirée dans un buisson, ne le protégeait plus autant qu’elle aurait du. Pierre avait faim, car il avait partagé ses vivres avec ses Patous, pour leur redonner, à eux aussi, un peu de courage.

C’est le 16 septembre que Pierre arriva dans la vallée, le premier. Il s’installa au bord du torrent, dans un coin où on trouvait des pommes et des noisettes, dont il était gourmand. Il passa les heures à somnoler, profitant du soleil automnal, regardant ses moutons bien gras qui savaient eux aussi que la belle saison tirait à sa fin.

3 jours passèrent ainsi. Pierre devint anxieux au crépuscule, car son frère aurait du le rejoindre depuis un bon moment. Il était toujours plus rapide que lui, d’habitude, peut être parce qu’il était plus jeunes de 3 ans, plus vif. Le matin du 4ème jour, Pierre décida de partir à sa rencontre. Il ne devait pas être loin.

Il partit en direction du Mont Serol, où Jean avait du passer les dernières semaines. La vallée devenait étroite et escarpée. De gros blocs rocheux roulaient parfois d’une falaise jusque dans le lit du torrent.

Pierre sentait l’angoisse monter en lui au fur et à mesure de son ascension. Ses mains devenaient moites, ses jambes fragiles. Son sang battait à ses tempes.

Bon Dieu, mais où était Jean ? Il n’entendait toujours pas les aboiements de la chienne, ni les cloches des bêtes, ni les cris de son frère.

C’est en milieu d’après midi, épuisé, et alors qu’il s’arrêtait pour reprendre son souffle et quelques forces, les pieds dans l’eau, qu’il les aperçut. Sur le flanc est de la montagne, dans un éboulis, se dispersaient les brebis de Jean !

Oubliant la fatigue, Pierre se mit à courir et à crier : « Jean ! Jean ! Où es-tu ? Je suis là, j’arrive ! Réponds-moi, Jean ! ». Mais il hurlait tant qu’au début, il n’entendit pas la chienne lui répondre. Hors d’haleine, il ralentit, et les aboiements lui parvinrent, étouffés, à quelques centaines de mètres. Il respira un grand coup, essaya de ne pas imaginer le pire, pria, pria la Ste Vierge qu’il aimait tant pour sa bonté, et arriva enfin près du gouffre. Paralysé par la peur, il s’arrêta à quelques mètres, n’osant pas regarder. Il appela, alors, doucement : « Jean ? P’tit Jean , tu m’entends, c’est Pierrot … ». Un gémissement lui répondit.

Jean était vivant ! Pierre se précipita au bord du trou, et vit son frère, blotti comme un bébé, contre sa chienne Milla.

Heureusement, il avait toujours une corde dans sa besace, qu’il attacha à un arbre pour descendre chercher son frère. Il le mit sur son dos, escalada comme il pu, à l’aide de la corde, les parois sombres qui les entouraient, et les deux frères revinrent à la lumière avec une joie indescriptible. Jean avait une jambe cassée, et sans doutes quelques entorses et côtes fêlées. Il était presque mort de faim mais la chienne au moins lui avait donné de la chaleur et la pluie de l’eau.

Le soleil couchant baigna cet instant, où les 2 frères purent marcher cote à cote, d’une lumière particulière. Un nuage le cachait à moitié, et les rayons qui l’entouraient les éblouirent un moment.

L’année suivante, Pierre avait confié à Jean une vierge de pierre, qu’il avait taillée de ses mains, tout l’hiver, pour qu’elle veille désormais sur les bergers les soirs d’orages. Jean la déposa, le 8 septembre 1864, au sommet d’un rocher surplombant la vallée.

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