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l'atelier des filles
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26 décembre 2007

atelier écriture 7 - Marianne

Dans ma 26 vie (j’en suis à la 35ème), j’étais un escargot. Mais pas n’importe lequel ! Un escargot de Bourgogne. On m’appelait « le gros du moulin », car j’étais le seigneur du moulin des Ouches, près de Bailly s/ Ormon.

C’était un domaine superbe, mon moulin. Ma famille et moi ne manquions jamais d’eau ni de nourriture, nous pouvions traîner nos coquilles sur des dizaines de mètres et nous reproduire autant que nous voulions, il n’y avait pas de limites ou presque. Nous vivions heureux, jusqu’au jour où …

Une guerre des hommes éclata !

Le pauvre vieux qui vivait là et nous laissait tranquilles (il ne sortait pas beaucoup et encore moins par temps humides  à cause de ses douleurs), devint l’esclave d’un régiment qui s’installa au moulin.

Caché au fond d’une vallée isolée, entouré d’une forêt sombre et épaisse, le moulin ne recevait pas de visites inopportunes et constituait par conséquent une planque idéale  pour les soldats qui y établirent leur camp.

Ils avaient connu l’endroit grâce à l’un d’eux dont le grand-père était d’un village proche et qui lui avait raconté ses jeux  d’enfant ici.

Les hommes avaient du construire des radeaux de bois pour descendre la rivière jusqu’à notre moulin. Ils avaient mis cependant plusieurs jours, depuis Martigny, à quelques kilomètres, pour se frayer un passage parmi les branches basses, les troncs tombés et les rochers. Les radeaux s’étaient parfois renversés et les hommes, trempés et glacés jusqu’aux os, étaient presque tous arrivés malades.

Idiots qu’ils étaient, ils brûlèrent leurs radeaux pour se réchauffer et n’eurent plus de moyen de repartir d’ici car ils avaient perdu leurs rares outils, et pour certains, peut être un peu leur tête aussi …

Ils étaient 12 à leur arrivée.

Leur descente aux enfers fut aussi la nôtre, et celle du pauvre vieux Marcellin.

Leur problème était simple : ils avaient pour mission de faire une cache secrète de munitions pour des renforts qui arriveraient du sud. Mais les renforts n’arrivèrent jamais.

Semaine après semaine, les maigres vivres qu’ils avaient apporté furent mangés. Il ne resta bientôt que des fusils et des cartouches.

Ils eurent donc l’idée d’aller chasser avec ces armes providentielles !

Malheureusement pour eux, avec l’humidité, les cartouches s’abîmèrent, les armes s’enrayèrent, et l’un d’eux se fit sauter la tête.

Les autres, après réflexion, décidèrent de le manger.

Ils n’avaient plus goûté de viande depuis des semaines, se contentant de terminer les sacs de farine du vieux en faisant des crapiaux avec les rares œufs de la dernière poule, Charlotte.

Pauvre Charlotte, elle n’eut la vie sauve que grâce à ses œufs, mais ces imbéciles oublièrent qu’elle-même avait besoin de se nourrir pour pondre et ainsi elle dépérit rapidement. Quand ils voulurent la manger à son tour elle n’avait plus que les plumes sur les os, et ils se battirent pour ronger sa carcasse.

C’est ainsi que le second homme fut tué, d’un coup de couteau trop bien placé pendant la bagarre …

Celui-ci était leur chef, et je soupçonne les soldats de s’être mis d’accord pour lui régler son compte, car ils étaient persuadés qu’il profitait de son statut pour tirer avantage de la situation.

Mais quel avantage pouvait bien tirer ce pauvre gars dans le trou à rats où ils se trouvaient ? Il dormait plus haut, soi-disant plus au chaud, alors qu’il faisait aussi froid et humide qu’ailleurs dans son petit grenier, sinon plus, les jours de pluie, car la toiture était percée. De plus, il y cohabitait avec une chouette qui l’effrayait.

Et puis, finalement, il avait pris ce qui restait, car lors de leur débarquement, il était resté surveiller les alentours pendant que les autres s’installaient, virant le vieux dans un coin sombre près de l’ancien poulailler.

Bref, Marcellin fut une fois de plus de corvée pour le méchoui sans avoir une part du festin à la hauteur de sa tâche…

Un gros couillon, surnommé Gégé, fier comme un cop mais guère plus malin, prit donc la place au grenier. Son seul avantage sur les autres était sa carrure de boeuf et sa voix de sanglier. Mais notre animal se cognait la tête, matin et soir, dans les poutres du grenier. Jusqu’au matin où, assommé, il dévala l’échelle et se cassa la jambe. Les autres décidèrent d’en faire un second esclave, espérant que la plaie s’infecte suffisamment pour qu’il ne se relève pas.

Il devint alors enragé, et un soir, alors qu’il n’en restait que deux qui discutaient, il les saisit par derrière, les tapa l’un contre l’autre jusqu’à ce que leurs têtes explosent. Les travaux qu’on lui avait confié à cause de sa jambe cassée lui avaient permis de décupler la force de ses bras.

Les autres étaient accourus au bruit et décidèrent de l’achever, de crainte qu’il ne s’en prenne à eux.

Vint alors le règne de Jacquot, notre pire ennemi.

Jacquot était bien plus malin, et décida de trouver de la nourriture pour sauver leur peau.

Aucun n’ayant encore réussi à attraper un poisson à cause de la glace qui avait recouvert la rivière, ni tué plus d’une dizaine de petits oiseaux, ils s’en prirent à nous. Nous étions les seuls êtres comestibles dans leur champ d’action.

Ils nous attrapèrent, nous enfermèrent dans les anciennes cages à poules, et laissèrent ainsi la plupart d’entre nous finir leur vie en se préparant à bouillir. Ils ne laissèrent que les plus petits pour qu’ils grandissent.

Je fus le premier mangé.

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