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l'atelier des filles
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24 avril 2008

atelier 14 : ines

« A quinze ans, c’est normal ! »

C’est ce que tout le monde lui répète en boucle.

Sa mère, son père, mémé sanchis…

Mais elle sait bien, elle, que c’est même pas vrai.

Parce que d’abord, dans sa bande de copines, il n’y a qu’elle qui ressemble à une calculette.

Les mecs de la classe d’accord !

Ils en ont plein la gueule, mais c’est normal pour les mecs. C’est hormonal.

Elle le sait, elle l’a vu à la télé.

Et puis pour les mecs c’est pas trop grave.

Ils sont musicos, kitsurfeurs, fils à papa, dépressifs, ce que vous voulez, il y en a toujours une que ça fera craquer.

En plus ils ont tous la tronche en éruption, alors on fait plus vraiment la différence, les filles n’ont pas vraiment le choix !

Mais les mecs, eux, ils veulent la même chose que dans les magasines et le volcan qui gronde sur leur pif huileux ne leur remet pas les pieds sur terre, ça non.

Salop !

Parce qu’ils ont le choix, eux.

Les nymphettes aux joues roses et veloutées, ça pullule. Il n’y a même plus que ça.

Et au milieu, y a Julie.

Julie élue Miss acné 2008 par l’ensemble de sa classe.

A l’unanimité.

Silhouette longiligne, ventre ultra plat hanches effacées.

Bon, ça, elle a. Elle y travaille.

Elle aime regarder sa silhouette, de dos, dans le grand miroir de sa chambre.

Ses longs membres fins, ses petites fesses rondes. Ça la rassure.

Mais devant le miroir de la salle de bain, c’est l’angoisse totale !

Des plaques rouges recouvrent son front, son nez et son menton.

Dur, en effet diriez-vous ?

Pour sûr !

Mais ça, c’est seulement dans les meilleurs moments.

Parce que généralement fleurissent ça et là, sur cette fameuse zone T, de petits boutons blancs qui d’heure en heure se gonflent, tout jaunissant. Tendent la peau, la tirent à l’extrême.

Julie guette avec angoisse l’apparition de ces furoncles tout prêts à exploser, et d’ailleurs les explose avant que la catastrophe naturelle n’ait lieu.

Ce matin, ce n’est pas devant le miroir de la salle de bain que Julie se désespère, mais devant « jeune et jolie », le magasine préféré des ados.

L’objet de ses tourments est ouvert à la page centrale, en plein milieu d’un article sur l’acné juvénile, où, sur une page pleine, la face pathétiquement fleurie de Julie réclame à corps et à cris le nouveau savon antibactérien de loréal.

C’est mémé Sanchis qui l’avait inscrite à l’agence.

« avec le corps que tu as… C’est la plus belle du monde ma Lilie… »

Enfin bref, des conneries de mémé.

Elle y avait un peu cru quand même.

Mais maintenant, la vache, ça fait mal.

Parce que son corps, c’est tout ce qu’elle pensait avoir.

Mais il faut croire qu’il n’a rien de particulier. En tout cas, il ne l’a fait repérer dans aucun casting.

La seule chose qui ait retenu l’attention, ce sont ses boutons.

C’est sûr ça lui aura rapporté des sous.

Largement de quoi les faire disparaitre en crèmes et autres traitements.

En théories.

Parce que leurs conneries de «  normal à quinze ans », elle y croit pas, mais alors pas du tout.

Parce que mémé Sanchis, elle en plein le menton, des boutons, et mémé Sanchis, c’est pas une ado que je sache !

Alors les boutons, c’est pour la vie.

Et de toute façon sa vie elle est foutue, sous ou pas, jamais elle n’osera plus sortir, en plus toutes ses copines on dû voir la pub maintenant.

Enfin, peut-être qu’avec l’argent qu’elle a gagné, elle pourra leur faire oublier son faciès. Quelques verres offerts au bar en face du bahu. Quelques invitations au ciné et hop, les boutons seront peut-être oublié ?

« Des boutons d’or ! » avait dit mémé Sanchis avec un sourire radieux quand Julie était allée avec sa mère encaisser son chèque.

Qui sait ?

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