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l'atelier des filles
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4 mai 2008

atelier n°15: Inès

-          Vous attendez depuis longtemps ?

-          J’ai poussé d’un demi-centimètre.

-         

-         

-          Ça a poussé bien vert.

-          Oui, la saison est bonne.

L’an dernier, j’étais plus rond.

J’avais fait plus de couches, mais mes feuilles étaient jaunâtres et beaucoup trop courtes.

Je n’ai pas été sélectionné.

-          Peut-être ne vous avaient-ils tout simplement pas vu ?

-          Comment-ça pas vu ? vous croyez qu’ils sont aveugles peut-être ?

-         

-          Alors !

Je suis transparent quoi?

-          Non non, j’veux dire, avec les feuilles jaunâtres, sur la terre claire de la région…

P’t’être qu’y vous ont pas vu.

-          Ne me prenez pas pour une batavia !

Je descends d’une grande lignée de poireaux, moi, monsieur !

Sélectionnée depuis des générations.

On ne voit pas monsieur, on m’admire !

-          Ah oui ? Oui, oui !

C’est certain.

Je n’en doute pas un instant.

J’veux dire… j’admire !

-         

-         

-         

-          Vous ne trouvez pas qu’il fait un peu froid ici ?

Regard glacial du poireau.

-          Un frigo.

-          … ?

-          Vous êtes dans un frigo ici !

La salle de préparation. Le stade ultime, la consécration !

Le froid raffermi les tissus, retend les feuilles, décuple la brillance. Regardez le travail !

Le poireau fait admirer ses tiges.

Enfin, ça ne doit pas vous dire grand-chose à vous, vu l’état de vos fanes !

Pour ça, on peut dire qu’elles sont fanées !

Grand éclat de rire du poireau.

                D’ailleurs, c’était écrit soupe de poireau sur le menu de soir.

Qu’est-ce qu’il fout là le radis ?

Tic-tac, tic-tac, tic-tac.

L’horloge marque le temps qui passe.

Tic-tac, tic-tac, tic-tac.

Les aiguilles courent, courent.

-          Bonjour.

-          Bonjour ! réponds la trotteuse pressée.

-          Le temps est admirable aujourd’hui, vous ne trouvez pas ?

-          Le temps, Madame, c’est moi qui le fais !

Je le fais, je le défais.

Croyez-vous que j’ai le temps de le regarder ?

Le papillon naturalisé,

Posé délicatement sur un papier de soie,

Epinglé au centre d’un majestueux cadre doré,

Se met à rire, d’un rire léger.

Son rire aérien se déploie,

S’envole, serpente, s’enroule

Autour de la trotteuse et la chatouille.

-          Cessez-donc ! s’écrie l’aiguille,

Vous ne voyez pas que je suis occupée !

-          Je ne parlais pas de ce temps là voyons

dit gentiment le papillon,

feignant de s’impatienter.

Voyez mes ailes, dit-il en s’étirant,

Comme elles luisent dans le soleil couchant.

Admirez les courbes de mes appendices,

Le temps aujourd’hui s’est mis à mon service.

-          Le temps, Madame, c’est moi qui le fais.

Moi qui le fait et le défais.

Je l’ai fait aujourd’hui comme il me plaisait,

Et demain, comme il me plaira.

C’est ainsi, c’est moi qui décide ici-bas.

-          Vous avez donc le temps d’avoir des humeurs ?

Demande le papillon, moqueur.

Je vous croyais portant si occupées, vous et vos sœurs !

Quoi qu’il en soit,

Quelque soit votre choix,

La lumière du soleil, sur la poudre de mes ailes

Me rend chaque jour plus belle.

Et les nuages de l’orage, menaçants et sombres,

Découpent sur mon cadre la majesté de mon ombre.

Voyez ! Vous n’avez sur moi aucune emprise,

Vous pouvez courir, faire le temps à votre guise.

-          Pâme-toi insouciant papillon.

Profite de tes courbes et de ton teint vermillon.

Je cours, je cours,

Et à chaque tour,

J’insémine en ton sein,

La poussière qui t’emportera demain.

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